S’exprimer librement est devenu un acte de défi, presque un crime de lèse-majesté. Le climat actuel en Guinée rappelle tragiquement celui décrit par Alioune Fantouré dans Les Cercles des Tropiques, où un adolescent, pour avoir récité le poème « Le cercueil de zinc » dénonçant les méfaits de la tyrannie est froidement assassiné par le régime.
Ce passage littéraire, bien qu’imaginaire, résonne avec une réalité glaçante : celle d’un pouvoir qui traque la parole, étouffe la pensée, et transforme l’expression en menace.
Aujourd’hui, publier un éditorial, partager une opinion ou simplement poser une question devient un acte risqué, surveillé, parfois puni.
Depuis la fermeture brutale des émissions critiques telles que Les Grandes Gueules, On refait le monde et Mirador, et la restriction de l’accès à Internet, la junte militaire s’enfonce dans une dérive autoritaire sans retour.
Elle ne cherche plus à gouverner, mais à dompter. Dans sa folie liberticide, elle étouffe les voix, brise les plumes, et piétine les consciences. Chaque jour, elle resserre l’étau, déterminée à soumettre tout un peuple au silence, à l’obéissance, à la peur.
En Guinée, le citoyen n’a que des devoirs — jamais de droits. Il avance sur des routes défoncées, dans l’obscurité, exposé à l’insécurité permanente. En cas de maladie, il n’a ni soins, ni recours.
Les logements sociaux sont un mirage, et les familles pleurent leurs enfants fauchés par les balles, sans justice, sans explication.
Dans ce système, l’injustice est institutionnalisée : on exige du peuple le devoir de se taire, mais on lui refuse le droit de demander des comptes. Le silence est imposé, la souffrance normalisée, et la parole devient une menace à neutraliser.
Le 3 décembre 2024, le journaliste Habib Marouane Camara a été violemment arrêté, arraché sans ménagement de son véhicule par des gendarmes, puis conduit vers une destination inconnue.
Une arrestation expéditive, brutale, sans mandat ni explication. Depuis, sa famille vit dans l’angoisse la plus profonde, plongée dans un silence institutionnel glaçant.
Chaque jour, sa mère, sa femme, ses proches répètent la même question, douloureuse et sans réponse : « Où est mon fils ? Où est mon mari ?
Ce n’était pas une interpellation — c’était un enlèvement. Dans cette République qui se drape des apparences de liberté, le droit de savoir est devenu un luxe réservé à quelques-uns. Les opposants ne sont plus des citoyens, mais des cibles.
Ils dérangent, alors on les broie. C’est la mécanique froide d’un pouvoir qui ne tolère ni question, ni contradiction. Quelle menace représentait Habib Marouane Camara ? Aucune. Il n’avait ni arme, ni milice, seulement une plume et des mots.
Des mots pour dire l’injustice, pour dénoncer les dérives, pour réveiller les consciences. Et c’est cela qui fait peur : une pensée libre, une voix qui refuse de se taire.
Mamadou BARRY 3








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